Presse
20 décembre 2013
[TRIBUNE] Et l’excellence opérationnelle, Monsieur Montebourg ?
La productivité peut être améliorée, aussi, dans les PME. Le ministre du Redressement productif serait bien inspiré d’en faire une priorité. Par David Machenaud, directeur associé d’OPEO.
La partition gagnante du Made in France est connue. Pour permettre aux entreprises françaises de rester compétitives, les pouvoirs publics doivent actionner simultanément trois leviers : l'innovation pour permettre aux produits français de se distinguer sur le plan international ; le finan-cement pour donner à nos entreprises les moyens de leurs ambitions ; l'excellence opérationnelle, pour leur assurer d'être compétitives par l'exécution efficace de leur stratégie.
La multiplication des initiatives publiques
Sur les deux premiers aspects, les initiatives publiques se sont multipliées : Commission Innovation 2030, création et montée en puissance de bpifrance, lancement du crédit d'impôts innovation, définition d'une stratégie de filières industrielles : au-delà du port symbolique d'une marinière, le « redressement productif » s'incarne par une politique volontariste, si volontariste qu'on a parfois même du mal à en distinguer les priorités. Pourtant, toutes ces mesures ne livreront pas tout leur potentiel si les pouvoirs publics ne promeuvent pas davantage ce qui détermine la réussite de nos entreprises sur le plan international : l'excellence opérationnelle.
L'innovation est inutile, si la phase d'industrialisation est manquée
À quoi bon financer des entreprises dont le dispositif de production est trop lent ? Pourquoi innover, si l'on ne sait pas être performant en phase d'industrialisation ? Comment attaquer un nouveau marché sans une chaîne logistique agile et robuste ? Innovation-financement-excellence : c'est le triptyque insécable de la performance retrouvée pour l'industrie française.
L'ambition n'est pas de regagner ici ou là quelques tantièmes de compétitivité, il est de rendre les entreprises françaises les plus performantes sur leur marché, en tirant le meilleur de leurs équipes et de leurs moyens existants. Trop ambitieux ? Pourtant, si les fleurons de l'industrie française comme Airbus, Michelin ou Valéo ont su préserver une position solide dans la crise, ce n'est pas seulement parce qu'ils sont innovants : ces entreprises ont d'abord fondé toute leur stratégie sur l'excellence opérationnelle.
Revoir l'organisation industrielle
Pour atteindre cette excellence et regagner de la compétitivité, il faut d'abord bâtir une organisation industrielle qui peut répondre aux enjeux opérationnels : temps de passage court, productivité accrue. Il faut ensuite mettre en place un pilotage fin et rigoureux de la performance pour identifier et traiter les écarts au plus tôt et s'améliorer ainsi en continu. Il faut enfin développer les compétences des équipes dans l'animation de ce pilotage, notamment les managers de proximité qui sont la courroie de transmission entre ce que vit le terrain au quotidien et les objectifs opérationnels de la direction.
Gagner 20% de productivité, diminuer les délais de réponse
Oui, le potentiel de progrès opérationnel existe ! On sait, sans investir un centime supplémentaire, gagner 20 % de productivité dans un environnement fortement automatisé comme une aciérie et rendre à nouveau rentable un site français pressé par la concurrence des pays du Sud. Il est possible de diviser par deux la non qualité ou augmenter le taux de service de 30 % dans un environnement exigeant et tendu comme l'aéronautique, pour retrouver la confiance des donneurs d'ordre et gagner de nouveaux marchés. Même dans le secteur de la petite série, le luxe, on peut diminuer le délai de réponse de 30% dans des ateliers fabriquant à la demande.
Le besoin de mesures symboliques
Les grands groupes industriels français ont compris l'intérêt de l'excellence opérationnelle. Les pôles de compétitivité également : on voit éclore des initiatives comme Aerolean'k, dédiée à la performance opérationnelle de l'industrie aéronautique. Il appartient désormais aux pouvoirs publics d'en faire la promotion auprès des entreprises de taille intermédiaire. Exportatrices et innovantes, ces entreprises sont notre atout maître pour améliorer notre balance commerciale.
Nous ne demandons pas le retour impossible d'un état « sachant », mais simplement la reconnaissance par des mesures symboliques de l'enjeu essentiel que représente la performance opérationnelle de nos ETI. Alors, à quand l'ouverture d'une concertation publique « excellence opérationnelle » réunissant tous les acteurs engagés pour la performance retrouvée des entreprises françaises ? À quand un soutien bonifié pour les ETI s'engageant résolument sur la voie de l'amélioration de leurs opérations ? À quand une analyse publique basée aussi sur la performance internationale de nos entreprises ? En bref, à quand l'excellence opérationnelle, monsieur Montebourg ?
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